mardi 20 novembre 2012

La coupable de la Chandeleur de Judith Rapet



Ce livre était dans ma PAL depuis déjà longtemps, il en est sorti parce qu'une rencontre avait été organisée avec l'auteur à Chartuzac le 10 novembre par notre petite association Les P'tits Loisirs Chartuzacais.

La question qu'on se pose toujours en lisant ce genre de livres, c'est quelle est la part de vérité historique et de roman. La note finale nous l'explique déjà mais Judith a pu approfondir.
Marguerite est un personnage qui a réellement existé, tout comme les lieux et les autres personnages cités, tous les noms ont été conservés.
L'histoire se déroule en 1768. Après un an de deuil suite à la mort de son père, Marguerite va passer la veillée de la Chandeleur chez des cousins, elle boit un peu de vin, et ose soutenir le regard d'un jeune homme qui lui plait bien, alors qu'une jeune femme doit baisser les yeux. Il la raccompagne très galamment et elle lui dit innocemment qu'elle est seule à la maison, sa marâtre étant sortie, que le verrou de sa fenêtre ne ferme pas et qu'elle n'est pas rassurée car des voleurs sévissent dans les parages. Marguerite a perdu sa mère très jeune, elle a été élevée par son père, personne ne lui a jamais expliqué « les choses de la vie ». Il faut vraiment comprendre ce contexte-là parce qu'elle est tellement naïve et innocente que ça nous paraît incroyable ! A cette époque, on ne montrait pas de tendresse ni d'affection entre parents et enfants, ni dans les couples, et rien ne se disait.
L'information du verrou ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd, et Jean Mesnard va entrer dans la nuit par sa fenêtre et la violer. Elle ne comprend pas ce qui se passe et croit qu'il la demandera en mariage plus tard. Marguerite va bien se rendre compte que son sang ne coule plus tous les mois mais elle ne s'en soucie pas trop, elle a déjà vécu des arrêts suite à un choc ou au temps...Même quand elle va grossir, c'est à cause des fèves qu'elle a mangé, ou de la rétention d'eau...Quand les femmes du village commencent à lui dire qu'elle est « grosse » (enceinte), elle s'en défend et dit que ce ne sont que de mauvaises langues. Mais à l'époque, il fallait faire une déclaration de grossesse auprès du procureur pour être en règle et celles qui ne le faisaient pas pouvaient être accusées d'infanticide si l'enfant était mort-né ou mourait peu après la naissance.
Marguerite va accoucher d'un enfant mort-né, qu'elle va vouloir faire disparaître au lavoir.
Mais les femmes ne sont pas tendres entre elles, au contraire, ce sont les premières à la dénoncer après son accouchement. Elle sera condamnée à être pendue...

Précision apportée par Judith : C’est un édit promulgué en 1556 par le roi Henri II qui obligeait toute femme veuve ou célibataire à déclarer son état de grossesse sous peine d'être poursuivie en crime d'infanticide en cas de décès de l'enfant.
 
Le déni de grossesse est un sujet qui est tristement revenu dans l'actualité depuis quelques années. Ici, on voit Marguerite passer de la naïveté au déni, car même quand toutes les femmes lui disent et que la matrone l'examine et le confirme, ce n'est toujours pas possible pour elle.

Le roman met en avant la condition féminine de cette époque ; la femme n'était rien. Il fallait être mariée et faire des enfants, toutes les autres étaient condamnables ! Celle qui était célibataire était mal vue, celle qui tombait enceinte sans être mariée ou promise était une catin...
La déclaration de grossesse était un acte dégradant pour celles qui devaient s'y soumettre : il fallait avouer avoir connu un homme, ou avoir été abusée, donner son nom pour qu'une enquête soit ouverte...mais sans témoins, on laissait l'homme tranquille, il n'était pas reconnu coupable, pas obligé d'épouser la femme ou de lui verser quelque chose.

Judith a eu accès aux archives des minutes du procès de Marguerite et c'est ainsi qu'elle a pu reconstituer toute son histoire. Dans son malheur, Marguerite aura eu la chance de rencontrer un avocat sensible à sa cause, c'est une exception.

C’est un livre poignant qui nous montre que les femmes étaient condamnées à être malheureuses, seulement parce qu’elles étaient des femmes. Elles devaient se soumettre à un monde d’hommes, une justice d’hommes. Pas de place pour les rêves et les sentiments, la moindre incartade pouvait être fatale !

Judith Rapet est aussi l'auteur de Michelle la Rebelle, La rançon des amants aux éditions Souny
Merci Judith pour cette rencontre enrichissante !!


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