lundi 24 septembre 2012

Fahrenheit 451 de Ray Bradbury

Couverture Fahrenheit 451 ; Chroniques martiennes ; Les pommes d'or du soleil

Résumé :

451 degrés Fahrenheit représentent la température à laquelle un livre s'enflamme et se consume.
Dans cette société future où la lecture, source de questionnement et de réflexion, est considérée comme un acte antisocial, un corps spécial de pompiers est chargé de brûler tous les livres dont la détention est interdite pour le bien collectif. Montag, le pompier pyromane, se met pourtant à rêver d'un monde différent, qui ne bannirait pas la littérature et l'imaginaire au profit d'un bonheur immédiatement consommable.
Il devient dès lors un dangereux criminel, impitoyablement pourchassé par une société qui désavoue son passé.

Mon avis :

Attention : Risque de spoilers car ce n’est pas évident de parler de tous les thèmes du livre sans ça…

J’ai lu ce grand classique dans le cadre d’une LC sur Livraddict organisée par Felina.
M. Bradbury était un étonnant visionnaire, pour un livre paru en 1953, le contexte est très actuel ! Aujourd’hui, on qualifierait ce livre de dystopie, avant il était classé en science-fiction, mais la fiction a rejoint la réalité !!

L’auteur nous projette directement dans ce monde qu’il a créé, pas de longue présentation pour nous décrire où on est, pourquoi et comment…On fait tout de suite connaissance avec Guy Montag, un pompier chargé de brûler les maisons de la ville qui contiennent des livres.
Oui, car dans ce monde terrifiant, les livres n’ont plus droit de cité, on doit les brûler comme au temps de l’Inquisition et des hérétiques !! Le pouvoir de la connaissance a été réduit à néant par l’information programmée, manipulée.
Mais Guy rencontre Clarisse, une jeune fille de 17 ans, qui parle beaucoup, observe et pose des questions, ce que plus personne ne fait…elle est étrange. Par ses questions et sa franchise, elle ébranle les certitudes de Guy et lui fait remettre en cause toute cette vie bien cadrée.
On ne voit pas le personnage de Clarisse bien longtemps, elle est juste présente (physiquement) pour servir de révélateur, de déclencheur, le grain de sable qui va enrayer toute la machine…En revanche, elle restera présente dans le souvenir de Guy.
Une nuit, alors qu’ils vont brûler une maison, la propriétaire choisit de rester dans la maison, avec ses livres. Guy en vole alors un, qu’il va cacher chez lui.
Sa femme Mildred est plus proche du zombie décérébré qu’autre chose…Tout ce qui l’intéresse, ce sont les émissions débiles que diffusent ses 3 écrans muraux, qui sont « la famille ».
Il n’y a pas d’affection ni d’amour dans cette société.Guy et sa femme ne se souviennent même pas où ils se sont rencontrés, on fait des enfants seulement pour reproduire l’espèce…
Quand Guy va commencer à chercher des réponses dans les livres, son monde va basculer et ne sera plus jamais le même. Il va être surveillé, dénoncé, poursuivi, mais va finalement réussir à rejoindre la « résistance ».
L'écriture est très agréable, imagée, pleine de métaphores, c'est un régal !!
La fin est marquée par l’importance du retour à de vraies valeurs : la terre qui représente la source de toute vie et nos racines, la transmission orale du savoir comme autrefois, et ce que nous avons à apprendre de nos erreurs passées.
L’image finale est magnifique et pleine d’espoir : ces hommes en marche vers la reconstruction, vers la paix…

Cette histoire ne peut que nous faire réfléchir sur cette société que l’auteur a imaginé et dont la nôtre se rapproche dangereusement ! Certains thèmes sont déjà une réalité : le matraquage télévisuel des populations pour les empêcher de réfléchir et d’agir, l’illusion d’un bonheur permanent et artificiel créé par les nouvelles technologies…On n’en est pas encore aux autodafés de livres dans notre pays mais les auteurs ou les publications qui dérangent ne sont pas les bienvenus !!! Et comme le professeur Faber, on voit venir tout ça et on ne fait rien pour l’empêcher…Bradbury parlait déjà de « masse critique », de ce changement de conscience qui doit se produire un jour "On ne peut pas forcer les gens à écouter. Il faut qu’ils changent d’avis à leur heure, quand ils se demanderont ce qui s’est passé et pourquoi le monde a explosé sous leurs pieds. Ça ne peut pas durer éternellement." et de la place de l'homme dans l'univers...Respect !!

Citations
Ce très long passage où le capitaine des pompiers explique à Guy comment on en est arrivés là, très instructif pour nous...
« Radio. Télévision. On a commencé à avoir là des phénomènes de masse. Et parce que c’étaient des phénomènes de masse, ils se sont simplifiés. Le cinéma et la radio, les magazines, les livres se sont nivelés par le bas, normalisés en une vaste soupe. Au vingtième siècle, on passe en accéléré. Livres raccourcis. Condensés, Digests. Abrégés. Tout est réduit au gag, à la chute.
Les classiques ramenés à des émissions de radio d’un quart d’heure, puis coupés de nouveau pour tenir en un compte rendu de deux minutes, avant de finir en un résumé de dictionnaire de dix à douze lignes.[…] De la maternelle à l’université et retour à la maternelle. Vous avez là le parcours intellectuel des cinq derniers siècles ou à peu près.[…] La politique ? Une colonne, deux phrases, un gros titre ! Et tout se volatilise ! La tête finit par vous tourner à un tel rythme sous le matraquage des éditeurs, diffuseurs, présentateurs, que la force centrifuge fait s’envoler toute pensée inutile, donc toute perte de temps ! […] La scolarité est écourtée, la discipline se relâche, la philosophie, l’histoire, les langues sont abandonnées, l’anglais et l’orthographe de plus en plus négligés, et finalement presque ignorés. On vit dans l’immédiat, seul le travail compte, le plaisir c’est pour après. Pourquoi apprendre quoi que ce soit quand il suffit d’appuyer sur des boutons, de faire faire fonctionner des commutateurs, de serrer des vis et des écrous ? […]
Davantage de sports pour chacun, esprit d’équipe, tout ça dans la bonne humeur, et on n’a plus besoin de penser, non ? Organisez, organisez et super-organisez de super-super-sports. Encore plus de dessins humoristiques. Plus d’images. L’esprit absorbe de moins en moins. [...]
Nous ne naissons pas libres et égaux, comme le proclame la Constituion, on nous rend égaux. Chaque homme doit être l’image de l’autre, comme ça tout le monde est content. Conclusion ! Un livre est un fusil chargé dans la maison d’à côté. Brûlons-le. Déchargeons l’arme. Battons en brèche l’esprit humain. […] Notre civilisation est si vaste que nous ne pouvons nous permettre d’inquiéter et de déranger nos minorités. […] Les Noirs n’aiment pas LittleBlack Sambo. Brûlons-le. La case de l’Oncle Tom met les Blancs mal à l’aise. Brûlons-le. Quelqu’un a écrit un livre sur le tabac et le cancer des poumons ? Les fumeurs pleurnichent ? Brûlons le livre. La sérénité, Montag. La paix, Montag. A la porte, les querelles. Ou mieux encore, dans l’incinérateur.[…] Le feu est clair, le feu est propre.
Si vous ne voulez pas qu’un homme se rende malheureux avec la politique, n’allez pas lui casser la tête en lui proposant deux points de vue sur une question ; proposez-lui-en un seul. Mieux encore, ne lui en proposez aucun. Qu’il oublie jusqu’à l’existence de la guerre. Si le gouvernement est inefficace, pesant, gourmand en matière d’impôt, cela vaut mieux que d’embêter les gens avec ça. La paix, Montag. […] Bourrez les gens de données incombustibles, gorgez-les de « faits », qu’ils se sentent gavés, mais absolument « brillants » côté information. Ils auront alors l’impression de penser, ils auront le sentiment du mouvement tout en faisant du sur-place. Et ils seront heureux parce que de tels faits ne changent pas. Ne les engagez pas sur des terrains glissants comme la philosophie ou la sociologie pour relier les choses entre elles. C’est la porte ouverte à la mélancolie. »
« Mon grand-père espérait qu’un jour, nos cités s’ouvriraient pour laisser plus largement entrer la verdure, la terre et les espaces sauvages, afin de rappeler aux hommes que c’est un tout petit espace de terre qui nous a été imparti et que nous ne faisons que survivre dans une immensité qui peut reprendre ce qu’elle a donné aussi facilement qu’elle peut déchaîner son souffle sur nous ou envoyer la mer nous dire de ne pas crâner. Si nous oublions à quel point la grande nature sauvage est proche de nous dans la nuit, elle viendra un jour nous emporter, car nous aurons oublié à quel point elle peut être terrible et bien réelle. »
« Remplis-toi les yeux de merveilles. Vis comme si tu devais mourir dans dix secondes. Regarde le monde. Il est plus extraordinaire que tous les rêves fabriqués ou achetés en usine. Ne demande pas de garanties, ne demande pas la sécurité, cet animal-là n’a jamais existé. »
« Nous avons conscience de l’énorme bêtise que nous nous venons de faire. Conscience de toutes les bêtises que nous avons faites durant un millier d’années, et tant que nous en aurons conscience et qu’il y aura autour de nous de quoi nous les rappeler, nous cesserons un jour de dresser ces maudits bûchers funéraires pour nous jeter dedans. A chaque génération, nous trouvons un peu plus de monde qui se souvient. »
« Et un jour nous nous souviendrons si bien que nous construirons la plus grande pelle mécanique de l’histoire, que nous creuserons la plus grande tombe de tous les temps et que nous y enterrerons la guerre. Allez, pour commencer, nous allons construire une miroiterie et ne produire que des miroirs pendant un an pour nous regarder longuement dedans. »

3 commentaires:

  1. J'adore ton billet, tu as super bien retranscrit l'idée principal du roman. J'adore ton expression pour qualifié Mildred de Zombie décérébré. MDR. Merci de ta participation. ^^

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    1. Merci ;) Si j'ai du réfléchir pour certaines choses, pour elle, c'est le premier terme qui m'est venu :p !!

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  2. J'ai du utiliser mon carnet de citation pour répertorier toutes les citation superbes qu'on peut trouver dans ce petit livre ! et toutes les citations que tu as mise sont dans mon carnet ^^

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